">
Amendes pour procédures abusives, pourvois en cassation restreints, juge de l’exécution, compétences internationales des juridictions marocaines, Focus sur les modifications proposées par la dernière version de l’avant-projet du code de procédure civile.
L’association des barreaux d’avocat du Maroc vient de recevoir une nouvelle version de l’avant-projet du code de procédure civile. L’organisation présidée par le bâtonnier Abdelouahed El Ansari doit livrer son avis sous les « vingt jours », insiste le ministère de la Justice, auteur de ce texte stratégique.
La révision du CPC est attendue depuis 2013. C’est l’un des axes majeurs de la réforme du système judiciaire. Jusque-là, plusieurs moutures s’étaient succédé (2015, 2019) sans dépasser le stade d’avant-projet.
Volumineuse, la dernière version – soumise le 7 janvier 2022 à l’ABAM – regroupe 626 articles répartis en 185 pages, table des matières comprise. Le texte offre plusieurs modifications, sans prétendre à révolutionner la procédure civile. En voici les grandes lignes.
Plaider de mauvaise foi, infraction pénale
Manœuvres dilatoires, procédures abusives ou injustifiées… Dans un litige, certaines parties ne lésinent pas sur les combines pour malmener un adversaire. Or, « tout plaideur est tenu d’exercer ses droits selon les règles de la bonne foi ». Consacré par le texte en vigueur, ce principe sera conforté par la refonte annoncée qui compte lui assortir des effets.
Ainsi, si le tribunal constate qu’une partie plaide « de mauvaise foi », il peut la condamner à une amende allant de 5.000 à 10.000 DH. À cette amende versée à la Trésorerie générale peuvent s’ajouter les dédommagements au profit de la partie lésée.
Le mineur autorisé à ester en justice
Pour ester en justice, il faut avoir qualité, intérêt et capacité pour agir. Le futur texte entend infléchir la position du législateur sur la troisième condition. Le mineur « qui n’a pas de représentant légal » pourra bénéficier d’une autorisation spéciale pour initier une action et plaider sa cause devant un tribunal. Il peut également demander une « transaction » lorsqu’il y a visiblement intérêt.
La cassation ne sera plus possible pour les affaires inférieures à 100.000 DH
Les pourvois en cassation seront restreints aux dossiers où la valeur des demandes est égale ou supérieure à 100.000 DH. Aujourd’hui, ce seuil est limité 20.000 DH.
Cette disposition fait écho aux demandes récurrentes de la Cour de cassation. Ses responsables déplorent un « engorgement » dû à la pléthore de dossiers souvent « vides ». D’où la nécessité de « rationaliser » ce recours en le conditionnant par le montant du litige.
Le juge de l’exécution
Les juridictions seront dotées de magistrats chargés de l’exécution des jugements. Ils se chargeront, selon leur compétence territoriale, d’émettre des ordonnances pour exécuter des décisions judiciaires et superviser la procédure qui en découle.
Sur le terrain, l’exécution sera assurée par le greffe ou des huissiers de justice. La personne intéressée pourra recourir au juge de l’exécution, si l’agent en question refuse de mener la procédure.
Les biens logistiques de l’État, classés insaisissables
« Les moyens logistiques, matériel, équipements et appareils destinées à servir les administrations de l’État, les établissements publics et les collectivités territoriales » font leur entrée dans la liste des biens insaisissables.
Le ministère public, partie principale
Affaires familiales, dossiers intéressant l’ordre public, affaires relatives à l’état civil, à la nationalité, aux « incapables » ou aux personnes présumées absentes… le rôle du parquet sera renforcé sur ces segments de la vie judiciaires. Ses représentants y seront considérés automatiquement comme « partie principale ».
Conséquence, le ministère public jouira des mêmes droits reconnus aux adversaires parties au litige. C’est-à-dire qu’il pourra, entre autres, assister aux audiences, livrer sa position et interjeter recours contre les jugements.
La compétence internationale des juridictions marocaines
Les juridictions marocaines pourront connaître des actions initiées contre des Marocains, même lorsque ces derniers n’ont pas de domicile ou de résidence au Maroc. Le projet pose comme exception les actions relatives à des biens immobiliers situés à l’étranger.
Les juges marocains seront également en mesure de statuer sur les actions dirigées contre des ressortissants étrangers n’ayant pas de domicile ou de résidence au Maroc. Dans ce cas, la procédure doit concerner des biens situés au Maroc, ou des obligations nées ou dont l’exécution doit survenir sur ce territoire. Cette même compétence s’étend aux dossiers liés à des droits intellectuels au Maroc, à une pension dont le bénéficiaire réside au Maroc, aux procédures de traitement de difficultés d’entreprise ouvertes au Maroc, etc.
Sans assistance de l’avocat
En principe, les actions doivent être initiées par requête d’avocat qui assiste un justiciable devant le juge. Sauf qu’il sera possible pour un requérant de plaider personnellement devant les juges, et ce dans les affaires conjugales, de pensions, de divorce conventionnel, les déclarations relatives à l’état-civil. Cette possibilité s’appliquerait aussi aux actions dirigées contre un avocat ou un juge, le requérant pouvant plaider personnellement.
L’huissier pour la convocation
La convocation sera faite par huissier de justice en tant que principe. Ce n’est qu’en « cas de besoin » que le tribunal peut ordonner cette mesure par un des agents du greffe ou par voie administrative.
Non-respect au juge, l’amende passe de 60 DH à 10.000 DH
Les parties sont tenues de s’expliquer avec modération. Si elles manquent au respect dû à la justice, le président peut les condamner à une amende allant de 1.000 à 10.000 DH. L’amende actuelle n’excède pas 60 DH.
Des amendes aggravées contre les témoins récalcitrants
Cité à témoigner, un témoin qui fait défaut pourrait être condamné à une amende atteignant les 1.000 DH. Actuellement, cette amende ne dépasse pas 50 DH. S’il est cité à nouveau et s’il est encore défaillant, le témoin pourra écoper d’une amende ne pouvant excéder 2.000 DH (contre 100 DH dans le texte en vigueur).
À noter que l’intéressé peut être déchargé des condamnations prononcées contre lui s’il justifie d’une « excuse valable ».
Conciliation préliminaire entre employeur et employé
Aujourd’hui, le salarié licencié pour un motif qu’il juge abusif peut avoir recours à la « conciliation préliminaire » aux fins de réintégrer son poste ou d’obtenir des dommages-intérêts. Cette procédure se fait en interne avec l’employeur. Adopté en l’état, le futur code de procédure civile interdira aux parties de saisir la justice, tant qu’elles n’auront pas consommé cette procédure une fois entamée.
Si la conciliation débouche sur un accord, ce dernier sera réputé définitif et ne sera susceptible d’aucun recours sinon une « inscription de faux ». La signature apposée dans l’accord doit être homologuée par une autorité compétente. La cosignature de l’inspecteur du travail sera également exigée.
Lire la suite sur le site de l’auteur
Source : Media24