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Un texte pour encadrer l’usage des moyens électroniques dans les procédures judiciaires. Le pénal et le civil concernés. Légaliser la visioconférence de la garde à vue au jugement. Des notifications et convocations par email. Force probante aux requêtes et recours sur support numérique.
Activer l’usage des « moyens électroniques » dans les procédures judiciaires. C’est l’objet d’un texte élaboré par le ministère de la Justice. Stratégique, l’avant-projet de loi sera « bientôt » introduit dans le circuit législatif, promet-on du côté du département dirigé par Mohamed Benabdelkader.
Des copies ont été transmises à différents professionnels de la justice, notamment les avocats. Leur avis est attendu sur un texte longtemps espéré. Son insertion dans l’agenda semble avoir été accélérée par le contexte actuel (mesures de confinement, lutte contre la propagation du coronavirus, etc.). Elle tombe à point nommé : Le ministère s’était fixé 2020 comme « horizon » pour la mise en place du « Tribunal numérique ».
L’avant-projet, dont Médias24 détient copie, agira sur le code de procédure civile et le code de procédure pénale. Leurs dispositions seront modifiées dans le sens de la dématérialisation des actes susceptibles de l’être.
Lancée depuis une semaine, l’expérience des audiences par visioconférence n’est qu’une mesure provisoire. Et qui n’a surtout aucune base légale. D’où certaines critiques. Le texte proposé vise à légaliser cette technique dont l’objectif est de limiter les transports superflus ou laborieux de détenus ou d’autres parties.
Visioconférence, de la garde à vue à l’audience
Si le texte est validé en l’état, l’usage de la visioconférence couvrira toutes les étapes de la procédure pénale, de la garde à vue à l’audience publique, en passant par l’instruction.
Ainsi, les procureurs ou procureurs généraux du Roi pourront auditionner un suspect à distance pour lui annoncer une prolongation de garde à vue.
Pour sa part, le juge d’instruction serait en mesure de recueillir, via la même technique, les propos du prévenu, la victime, la partie civile, le témoin ou l’expert. Le recours à la visioconférence est conditionné par l’existence d’une « cause sérieuse » ou par « l’éloignement de la partie du lieu de l’instruction ».
Dans ce cas, le juge chargé du dossier doit émettre une commission rogatoire au juge d’instruction du tribunal dans la circonscription de laquelle se trouve la partie concernée. Au sein de ce tribunal, cette partie est placée et auditionnée dans une salle équipée à cet effet.
S’il s’agit d’un mis en cause en détention, il peut être interrogé à distance sans quitter le lieu de détention. Après interrogatoire, le juge d’instruction envoie son PV par fax ou email au siège de l’établissement pour que le détenu puisse le signer, ou pas. L’avocat du prévenu peut assister à l’audition soit dans le lieu où se trouve son client, ou celui où se trouve le juge d’instruction.
Une juridiction étrangère peut également auditionner une personne se trouvant dans le territoire marocain. Mais cette personne doit formuler expressément son accord. Et vice versa pour les juridictions, sous réserve des conventions et lois internes des pays concernés.
A l’audience, le juge ou instance en charge doit émettre une décision motivée sur le recours à la visioconférence. Cette décision peut être prise d’office ou sur demande du ministère public ou d’une partie au dossier.
Elément important, le texte prévoit la possibilité de procéder aux convocations et citations à comparaitre « via tout moyen de communication permettant de laisser une trace écrite ».
Les notifications, bientôt par email
Une grande partie de l’avant-projet de loi agit d’ailleurs sur « la notification électronique ». Le texte propose de nombreuses dispositions en ce sens. Ce volet concerne surtout le code de procédure civile. C’est là tout un pan de la pratique judiciaire qui se trouve visé, y compris les litiges commerciaux où l’impératif de célérité sous-tend naturellement celui de la dématérialisation des procédures.
Le texte évoque ainsi la création d’une plateforme électronique officielle de procès à distance. L’idée est d’y assurer et sécuriser « les échanges dématérialisés » des actes entre les avocats et les juridictions. Ce portail existe dans les faits, mais ouvert à un nombre très limité de juridictions.
Cette plateforme abritera une base de données dédiée à la notification électronique. Elle contiendra les adresses électroniques des avocats, huissiers de justice et experts, administrations publiques et de « toute partie qui le demandent. »
Ainsi, la partie désirant recevoir des notifications électroniques peut le déclarer sur le site dédié. Elle y joint à cet effet son « adresse électronique officielle ». Et doit signaler tout changement opéré sur l’adresse communiquée. La déclaration peut être retirée à tout moment.
Les notifications électroniques seront ordonnées d’office par le juge ou à la demande d’une partie. La partie ou l’avocat reçoit une alerte électronique à chaque opération de notification, avec mention de la date de cette opération.
La plateforme électronique émettra un accusé de réception automatiquement après la remise de la notification sur le compte professionnel ou adresse électronique du destinataire. L’accusé de réception est considéré comme un certificat de remise. Tout acte reçu par un compte électronique professionnel ou une adresse électronique officielle est considérée comme valable.
La dématérialisation recouvrera aussi les convocations au tribunal. Aujourd’hui, elles sont transmises par agent du greffe, par huissier de justice, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie administrative. L’avant-projet prévoit la possibilité de convoquer les parties, non seulement « par voie électronique », mais aussi par « tout autre moyen », ce qui ouvre la voie aux convocations par téléphone.
La même possibilité est prévue lorsque le destinataire réside dans un pays étranger, sauf interdiction contenue dans une convention internationale. Actuellement, les convocations à l’étranger doivent passer par « la voie hiérarchique pour être acheminée par la voie diplomatique ou par poste par lettre recommandée ». Une procédure longue et coûteuse.
Force probante aux actes sur support électronique
En plus de la notification, la plateforme servira au dépôt et enregistrement des requêtes, recours (appel, rétractation, opposition, pourvoi en cassation) et d’autres actes de procédures intervenant lors du procès.
Ce nouveau système viendra s’adjoindre aux modalités traditionnelles, sans les remplacer. Les parties peuvent demander des copies de dossiers en support papier ou électronique.
Toutefois, les requêtes, mémoires et annexes rédigés, présentés et reçus sur un support ou par voie électronique seront réputés valables. Ils auront ainsi la même force probante que les documents sur support papier. Ce qui s’applique aussi aux «copies » de documents.
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Sourece: Média24